Voilà le jeu que je vous ai concocté pour le mois de novembre, je vais dévoiler environ une fois par jour un morceau d'une affiche que j'ai réalisé sur la "main invisible" d'Adam Smith. Je suis heureuse de revenir à l'économie, ça me rappelle de doux souvenirs du lycée !
C'est une notion d'économie mystérieuse, sujette à mille interprétations, des plus inoffensives aux plus malveillantes. On peut lui faire tout dire et elle a beaucoup de pouvoir.
Dernièrement j'ai été assez marquée par le film Inside job de Charles Ferguson, ainsi que la bédé de Darryl Cunnigham sur L'ère de l'égoïsme.
Il y a des choses comme ça qui vous donnent envie de vous révolter sans qu'on vous le crie dans les oreilles.
Je ne prétends pas à faire ce genre de choses, j'aimerai bien y arriver un jour, mais j'ai eu envie de vous expliquer les tenants et aboutissants de ce que nos amis néo-libéraux font dans leurs bureaux.
Adam Smith (1723 - 1790) est un penseur des Lumières
et le père de l'économie moderne
La postérité retiendra de Smith sa conception du marché.
Le marché est à la base de la société toute entière.
Les deux grands essais d'Adam Smith sont La théorie des sentiments moraux et La richesse des Nations.
Le premier explique comment les principes de la nature humaine amènent un comportement social et la création d'institutions communes.
Le deuxième explique comment l'économie repose sur l'intérêt personnel. Les marchés se contrôlent eux-même et conduisent au bien-être social.
Smith a été témoin d'une crise financière qui a ravagé le système bancaire d'Edimbourg.
Il encourage à poser des règles sur la finance, car livrée aux seules lois du marché, elle fait courir de graves dangers à la société
Adam Smith publie La théorie des sentiments moraux en 1759.
Plus tard il rencontre des physiocrates dont la doctrine dit que l'économie doit être régie par le "laissez-passer" et le "laissez-faire" les hommes, contre l'intervention de l'état.
Il publie La richesse des Nations par la suite en 1776.
Plus tard il rencontre des physiocrates dont la doctrine dit que l'économie doit être régie par le "laissez-passer" et le "laissez-faire" les hommes, contre l'intervention de l'état.
Il publie La richesse des Nations par la suite en 1776.
La "main invisible" est une métaphore qui n'apparaît que trois fois dans l'oeuvre de Smith.
Une fois dans La théorie des sentiments moraux et une fois dans La richesse des Nations.
La main invisible est devenue très populaire par sa grande capacité d'évocation.
Elle a été énormément interprétée mais elle n'a jamais vraiment été expliquée par Smith. On ne sait pas l'importance qu'il y portait.
Adam Smith est un déiste, comme Voltaire. Ce Dieu pourrait s'incarner dans l'expression de la main invisible.
Les économistes, qui cherchent des recettes pour prédire les performances de l'économie, ont sauté sur l'occasion.
La main invisible est devenue un enjeu économique et politique
Les libéraux dits classiques et néoclassiques accordent beaucoup d'importance à la main invisible. Ils citent de préférence La richesse des Nations.
Dans ce livre, le marché règle avec justesse les prix, les revenus et les quantités. La concurrence pure et parfaite est bénéfique.
C'est une interprétation optimiste. Le marché fonctionne tout seul pour le bien de tous, l'impôt n'a donc pas d'intérêt et l'Etat ne se mêle pas de l'économie.
Une des interprétations de la main invisible est de la voir comme une sorte de Dieu dans une religion du marché.
Mais Adam Smith, par son livre La théorie des sentiments moraux, est écarté de La théorie de l'égoïsme et de l'intérêt d'Ayn Rand selon laquelle l'égoïsme des hommes est essentiel à la prospérité de la société.
Les sociaux-libéraux citent de préférence La théorie des sentiments moraux. Ils pensent que la main invisible n'a pas beaucoup d'importance dans l'économie et le marché.
Keynes dit d'ailleurs : "Qu'elles soient justes ou erronées, les idées des théoriciens de l'économie et de la politique exercent une puissance supérieure à celle qu'on leur prête."
L'empathie a une place centrale dans La théorie des sentiments moraux. L'homme éprouve de l'empathie pour les autres hommes, ce qui l'aide à comprendre leurs positions.
Smith avance que chaque homme a en lui un homme intérieur, observateur impartial de ses propres actes. Il témoigne son approbation morale à nos actes et on ne peut pas ignorer son jugement.
Le marché prend la place de l'homme intérieur dans La richesse des Nations. Il oblige les acteurs économiques à tenir compte les uns des autres.
La main invisible est considérée par les non-leibniziens comme une norme. Elle pousse la faculté de juger des hommes pour qu'ils améliorent leur situation, ce qui mène à l'harmonie.
Heilbroner dit que le marché décrit par Smith s'applique à l'économie artisanale de son époque plus qu'à la nôtre.
Il est d'ailleurs impossible de réduire l'être humain à un robot soumis à son intérêt personnel.
La main invisible décrirait plus les conséquences inattendues et pas toujours favorables des actes économiques, ce qui aide l'homme à développer la faculté de juger de l'homme.
Emma Rothschild avance que la main invisible pourrait aussi bien être une métaphore ironique : dans La richesse des Nations, les individus qui sont conduits par la main invisible deviennent des pantins.
L'économie, selon Smith, est plus menacée par les industriels que par l'Etats, qui doit s'assurer du respect des règles du marché. Le marché est un lieu destiné à calmer les passions.
Smith dit : "Cette liberté de quelques uns pourrait compromettre la sécurité de toute la société."
Il dénonce les industriels qui tentent de détourner la loi du marché à leur seul profit, par des ententes et des monopoles.
Joseph Stiglitz appelle d'ailleurs à ne pas surestimer la portée de la main invisible selon la vision néo-classique.
Il dit : "Si c'était une vérité absolue, la morale n'aurait plus aucun contenu. Nous n'aurions jamais à nous demander : qu'est-il juste de faire ? Il nous suffirait de nous poser la question : que VOULONS-nous faire, qu'est-ce qui nous ferait plaisir ? On peut dire que les entreprises ont été nourries avec ce double-langage."
Il dit : "Si c'était une vérité absolue, la morale n'aurait plus aucun contenu. Nous n'aurions jamais à nous demander : qu'est-il juste de faire ? Il nous suffirait de nous poser la question : que VOULONS-nous faire, qu'est-ce qui nous ferait plaisir ? On peut dire que les entreprises ont été nourries avec ce double-langage."
Le concept optimiste de la main invisible est utilisé largement par les économistes néo-classiques pour justifier le "laisser-faire". Il est aujourd'hui largement critiqué par de nombreux économistes.
Robert Shiller affirme que ce genre de politique a sa part de responsabilité dans la crise économique de 2007-2008. Cette crise a nécessité l'intervention massive des états et banques centrales pour en limiter les effets dévastateurs.
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